Sept 24 SEMPER Prévention
Sept 24 SEMPER Prévention
Prévenir pour devenir
Le ministère de la Santé luxembourgeois en a fait sa priorité n°1: la prévention et le dépistage précoce des maladies sont au cœur du projet santé du gouvernement.
Campagnes de dépistage et de vaccination, événements organisés au nom de la lutte contre les maladies, investissements dans la R & D, services de médecine préventive... Le Grand-Duché a fait le choix de déployer des moyens impor tants pour juguler les statistiques d’apparition ou d’aggravation des maladies. Tous ces dispositifs, ajoutés à ceux por tés par les professionnels de santé, les entreprises privées et les initiatives de l’industrie pharmaceutique, agissent pour que les patients restent avant toute chose des personnes bien portantes.
L’exemple le plus récent ? Sur la base de nouvelles recommandations de la Commission européenne, la Direction de la Santé a annoncé que depuis le 1er juillet 2024, les programmes de dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal seront accessibles dès 45 ans (contre 50 ans précédemment) au Luxembourg.
Ce choix a été validé par le Conseil Scientifique du Luxembourg sur base des données médicales et des études scientifiques qui évaluent les risques et les bénéfices du dépistage aux différents âges. Il apparaît en effet que ces maladies touchent des patients de plus en plus jeunes. Selon l’Obser vatoire mondial du cancer, 40% des cancers en Europe sont évitables. La prévention et le mode de vie sont ainsi directement impliqués dans la lutte contre cette maladie, qui représente la deuxième cause de décès en Europe, après les maladies cardiovasculaires.
Si la prévention des maladies trouve sa légitimité dans l’analyse de données épidémiologiques et des facteurs de risques dans la société, elle ne peut rien face aux comportements à risque qui relèvent d’un choix personnel (tabac, hygiène, activité physique, comportements sexuels...). Attirer l’attention sur la maladie ou le risque sanitaire peut parfois sembler inopportun ou intrusif à une personne bien portante.Toute action de prévention, ou de sensibilisation suppose forcément un taux d’échec variable, car en dehors des vaccins obligatoires à la naissance - elle propose une adhésion aux bonnes pratiques sans jamais les imposer. Comme toute entreprise de longue durée, la prévention des maladies est efficace si elle est intégrée dans le quotidien des personnes dès leur plus jeune âge. Elle est alors vécue non pas comme une contrainte, mais comme un véritable mode de vie. Les événements sportifs et culturels visant à rassembler des fonds pour les associations de patients, ou pour la recherche et le développement dans la lutte contre certaines maladies agissent également à titre de sensibilisation. De la sensibilisation à la prévention, il n’y a qu’un pas.
IML, en tant que porte-parole des activités de l’industrie du médicament, soutient ces initiatives. En effet, l’innovation pour laquelle nos industries œuvrent trouve son chemin dans le bénéfice des patients, c’est-à-dire l’extension de la durée de leur vie et l’amélioration de leur qualité de vie. Avant de devenir un patient, nous souhaitons que les personnes restent en bonne santé le plus longtemps possible.
Une approche complète et holistique
Pour l’industrie du médicament, prévenir les maladies c’est agir auprès des patients, mais aussi auprès des professionnels de santé. Des investissements importants sont consacrés à ce volet dans les laboratoires chaque année sur la base d’analyses d’impact. La prévention, au même titre que la recherche et le développement de médicaments innovants, suppose un ratio coût/efficience qui dépasse de loin le cadre de l’industrie pharmaceutique et concerne en réalité tout l’écosystème de santé.
Petit rappel historico-médical de la prévention avec Stéphane Soulard, Head of Market Access and Public Affairs chez Boehringer Ingelheim.
Historiquement, à quand remontent les premières démarches de prévention?
Déjà dans l’antiquité, la construction d’infrastructures (aqueducs, bains pu- blics ou évacuation des eaux usées) peut être considérée comme une démarche de prévention, en améliorant les conditions sanitaires des populations et d’hygiène dans les villes. Durant le Moyen-Âge, les personnes considérées comme pestiférées étaient tenues à l’écart pour prévenir la propagation de la maladie. Pour ce qui est de la vaccination, au Xème siècle, les Chinois utilisaient des croûtes desséchées de variole qu’ils insufflaient dans les narines en guise de vaccination. Ce fut ensuite Edward Jenner qui développa un premier vaccin contre la variole à la fin du XVIIIe siècle, à partir de la vaccine, une maladie bénigne des vaches.
Lorsqu’on parle de prévenir les maladies, on pense d’abord aux campagnes de sensibilisation auprès du grand public. Quels sont les autres champs d’action que couvre la prévention ?
En effet, lorsque nous pensons à la prévention, la première chose qui vient à l’esprit est la vaccination, l’adoption de certaines règles d’hygiène, d’exercice, ou encore éviter certains milieux ou comportements qui peuvent favoriser l’apparition de maladies. Il s’agit de la prévention primaire, selon la définition de l’Organisation mondiale de la Santé. La prévention secondaire consiste à limiter ou retarder l’évolution d’une maladie, en agissant à un stade précoce. C’est par exemple le rôle des dépistages, ou des traitements préventifs qui peuvent être proposés pour une population à risque bien définie. Par exemple, nous savons que jusqu’à la moitié des patients atteints de scléro- dermie systémique et qu’un quart des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde peuvent développer une fibrose pulmonaire impactant la qualité de vie des patients à terme. Cette fibrose se traduit par une dyspnée qui peut pas- ser inaperçue, surtout chez ces patients qui ont des difficultés pour se déplacer, et qui de fait n’est pas systématiquement recherchée lors d’examens cliniques. Un dépistage ainsi qu’un traitement précoce permettraient de limiter la perte de fonction pulmonaire.
La prévention tertiaire se centre sur l’anticipation des complications entraînées par la maladie, ou de son aggravation. Un traitement pharmacologique adapté et/ou un mode de vie adéquat permettent de prévenir les complications. Pour une prévention optimale, il est important de dépister précocement les populations à risque.
Enfin, on peut considérer la prévention quaternaire qui touche à la surmédica- lisation de certains patients.
Avez-vous des exemples de maladies pour lesquelles des médicaments ont représenté des bénéfices significatifs en termes de prévention?
Le diabète de type 2, l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale sont des conditions qui sont progressives par nature et qui sont liées entre elles. Les patients diabétiques peuvent souffrir de complications qui se développent silencieusement si elles ne sont pas anticipées. Il a été évalué que 30 à 40% d’entre eux développent une insuffisance rénale chronique. La présence d’une de ces conditions peut amplifier le risque et accélérer la progression des autres conditions. Les inhibiteurs du SGLT2 ont d’abord été développés pour le traitement du diabète, mais des essais cliniques ont démontré que cette classe de molécule pouvait aussi réduire les risques cardiovasculaires (mortalité ou hospitalisations liées à l’insuffisance cardiaque) chez les patients diabétiques ou mêmes non-diabétiques de plus de 20%. Les ISGLT2 permettent aussi de ralentir de moitié la progression de l’insuffisance rénale, ce qui pourrait retarder à terme l’entrée en dialyse.
Comment l’industrie du médicament justifie-t-elle les coûts liés à la pré- vention? Quelles sont leurs limites?
Notons tout d’abord l’aspect clinique, et les bénéfices concrets pour les patients. Hospitalisations, mortalité, dialyse,oxygène portatif, etc., sont des aspects fondamentaux pour la qualité de vie des patients, mais aussi de leurs personnes aidantes.
Les actions de prévention ont un coût. Pour prendre en compte l’impact économique de la prévention sur les firmes, il existe deux principaux types d’études pharmacoéconomiques. L’analyse d’impact budgétaire répond à la question «combien ça coûte ?», en comparant le scénario actuel et un scénario considé- rant l’inclusion d’un nouveau traitement. À l’impact budgétaire pharmacologique, il est possible d’incorporer les données des essais cliniques, pour déduire les économies par exemple dues à la réduction du nombre d’hospitalisations du coût du traitement. L’analyse de coût-efficacité répond à la question «est-ce efficient ?». Ici, nous modélisons la maladie et comparons les coûts et les bénéfices cliniques, mesurés par exemple en années de vie gagnées, ajustées pour la qualité de vie (QALY). Ces analyses de coût-efficacité sont largementplus complexes et il est important de tester la robustesse du modèle utilisé par différentes analyses de sensibilité.
L’industrie du médicament a un rôle fondamental dans la prévention, non seulement dans le développement des traitements innovants impactant la vie des patients, mais aussi dans la sensibilisation et l’éducation des professionnels de santé, la génération d’évidence ou plus généralement dans la création de projets. Néanmoins, les actions de prévention ne peuvent avoir un réel impact sans collaboration avec d’autres parties prenantes (professionnels de santé, associations de patients et médicales,autorités publiques). Ensemble, une approche complète et holistique pourra in fine renforcer la capacité à prévenir les maladies, leurs risques associés et promouvoir le bien-être des individus.
Quels sont les moyens efficaces de soutenir la prévention au Luxembourg?
D’une part, favoriser des activités de dépistage dans les populations à risque ou instaurer des protocoles de soins systématiques avec aide informatique permettrait de détecter des maladies à des stades plus précoces. La plateforme E-santé est une architecture IT déjà existante qui peut aider dans ce sens. Par ailleurs, des techniques utilisant l’intelligence ar tificielle se développent pour faciliter par exemple le diagnostic différentiel de maladies respiratoires en examinant des spirométries ou des imageries médicales. D’autre part, lorsque la maladie est diagnostiquée, aussi bien les professionnels de santé (médecins, infirmiers) que les patients doivent bien connaître les risques et reconnaître les complications des maladies. Une autre condition est qu’une conversation de qualité s’installe entre patients et professionnels de santé pour déceler de nouveaux symptômes le plus tôt possible.
La prévention doit être une priorité pour le nouveau gouvernement. Elle représente des économies à moyen et long terme, avec une meilleure qualité de vie pour les citoyens du Grand-Duché. n Les références dont sont tirées les indications de cet article sont disponibles sur demande.
Semper Luxembourg - septembre 2024
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